Bobard

Le troisième nommé au bobard de cuivre est le Huffington Post d’Anne Sinclair (parmi d’autres) pour le bobard « girouette » et son traitement (un temps) compassionnel de l’affaire Leonarda.

« Leonarda ». Ce n’est pas un nom de famille comme « Gayet » ou « Stavisky ». C’est un prénom, celui d’une jeune fille. Exotique et plutôt charmant. Lui accoler le mot « affaire », c’est déjà vouloir transformer l’intéressée en martyre. « Affaire Leonarda », c’est le nom d’une tragédie rom … Qui n’est jamais loin du guignol.

Acte I. Tout part d’un article du blog Réseau Éducation Sans Frontières du 14 octobre 2013. On y apprend qu’une collégienne de 15 ans a été arrêtée par la police pendant une sortie scolaire. Elle a ensuite été expulsée avec sa mère et ses frères et sœurs au Kosovo, dont elle serait originaire. Les médias répercutent largement le récit de RESF (Huffington Post, Le Monde, Le Figaro, …) : les conditions de l’arrestation sont « inhumaines ».

Acte II. Où l’on fait connaissance avec Leonarda elle-même. Comment faire davantage encore monter la sauce médiatique et faire tourner les rotatives ? France Inter a la solution : on contacte directement la jeune fille, qui enchaîne les déclarations fracassantes. Le 16 octobre, RTL relaie complaisamment les propos de Leonarda Dibrani : « J’avais envie de me suicider. […] Je me suis ouvert les veines. […] Le médecin […] m’a donné des cachets (sic). » Le Huffington Post lui emboîte le pas en publiant complaisamment le 17 octobre une tribune du sénateur Esther Benbassa qui dénonce les « rafles ».

Acte III. Où l’on s’aperçoit que la famille Dibrani n’est pas très recommandable, d’autant que le Ministre de l’Intérieur soutient le préfet du Doubs et les forces de police. La loi aurait-elle été respectée, en définitive ? Pire, le père serait violent et les enfants fort peu assidus à l’école. Ni une, ni deux, les médias changent leur fusil d’épaule : un sondage montre que la majorité des Français approuve l’expulsion. Le Huffington Post est parmi les premiers à bifurquer, en titrant le 17 octobre « Le côté obscur du père de la famille Dibrani » (oui, le même jour que la tribune de Benbassa !). Et TF1 de relayer les propos les plus extravagants : « je rentre en France et après c’est moi qui vais faire la loi ». Dans Le Monde du 20 octobre, Anne Salles en rajoute même une couche sur le narcissisme naissant de Leonarda : « Elle prend plaisir à ce statut de vedette, impressionnée de s’être retrouvée la veille au journal télévisé de France 2. Elle est […] un peu inquiète quand le téléphone s’arrête de sonner. »

Et c’est ainsi que du 15 au 20 octobre, en seulement cinq jours, les mêmes médias parviennent à créer l’évènement autour d’une jeune fille immigrée, et d’en faire une martyre, avant de se rétracter opportunément et de se ranger sur la ligne choisie par le Ministre, d’une part, et l’opinion publique, d’autre part : où l’on s’aperçoit que si le bobard de cuivre est dans le vent, les rédactions sont de belles girouettes !

Sources : lemonde.fr ⎜ videos.tf1.fr ⎜ huffingtonpost.fr (1) ⎜ franche-comte.france3.fr ⎜ huffingtonpost.fr (2) ⎜ rtl.fr ⎜ huffingtonpost.fr ⎜ blogs.mediapart.fr.

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